Accoucher de nous-mêmes, ou comment entrer dans l’extraordinaire aventure de la complexité

Que puis-je connaître ?
Que dois-je faire ?
Que m’est-il permis d’espérer ?
Qu’est-ce que l’homme ?

Kant

Face aux quatre questions philosophiques de Kant qui sont notre lot commun,- à des degrés divers et en fonction des moments de notre parcours -, les leçons d’un siècle de vie d’Edgard Morin me semblent offrir des clés de lectures pour affronter la complexité de la vie et faire face aux incertitudes inhérentes à toute aventure humaine.

Apprendre à vivre : oui mais pas n’importe comment !

Dans la vie, qui est à la fois « cadeau et fardeau », « merveilleuse et terrible », « un art incertain et difficile », «  adaptation au monde extérieur par essais et erreurs », « navigation dans un océan d’incertitudes, à travers quelques îles ou archipels de certitudes où nous ravitailler», Edgard  Morin repère deux pièges qui nous guettent et deux remèdes pour les éviter. Tentons de les mettre en lumière, et de les mettre en parallèle avec un autre penseur clé de notre époque, le sinologue et philosophe François Jullien, dont le regard sur la pensée orientale ouvre notre pensée cartésienne qui segmente la réflexion et perçoit mal les liens ! 

  • la disjonction, la compartimentation de la complexité
    Quand nous compartimentons notre vie, nos activités, les services d’une même organisation, les départements d’une entreprise, le vivre ensemble d’un pays, ou tout simplement notre accompagnement de l’autre, nous oublions les liens qui nous construisent et nous nourrissent. Or « chacun de nous est un moment éphémère de l’extraordinaire aventure de la vie » à tel point que « la société entière est en moi qui suis le produit d’une évolution d’événements et rencontres improbables. »

    • Pour éviter ce piège, il convient de contextualiser notre compréhension et accompagnement des situations et personnes. En effet, chacun de nous dépend de son milieu, de son histoire, de ses transitions et transformations successives (François Jullien parle très joliment de nos transformations silencieuses, qui bien que lentes sont visibles, pour qui prend le temps d’observer nos transitions ininterrompues qui avancent pas à pas.)
  • la réduction, la simplification de la complexité
    Quand nous focalisons notre compréhension à la connaissance d’un élément, nous oublions que chaque personne et situation se comprend non seulement dans son contexte propre mais aussi dans une dynamique globale de réciprocités fécondes.

    • La réponse à ce piège est de favoriser les émergences, ce que François Jullien appelle le potentiel de situation. Ce potentiel permet l’émergence d’une vision collective et d’un approche collaborative.

Y aller par étapes

Edgar Morin propose des étapes à une connaissance pertinente. Ces étapes sont celles qui permettent un bon accompagnement de tout processus de changement, transformation, ouverture, renaissance.

  •  stimuler les émergences, 
  •  s’étonner et s’interroger sur ce qui semble normal et évident,
  •  contextualiser toute chose,
  •  reconnaître la complexité, les aspects multidimensionnels, antagonistes et contradictoires des individus, des évènements, des phénomènes. Héraclite nous disait déjà que « ce qui est contraire est utile, c’est de ce qui est en lutte que naît la plus belle harmonie », « concorde et discorde sont père et mère de toute chose. » 
  •  savoir distinguer et relier.

Une approche globale des personnes et situations

Dans une approche de coaching qui se veut dialectique, quelques bonnes nouvelles nous viennent des « leçons d’un siècle de vie » 

  • on ne peut jamais prévoir ce qui est créatif
  • le chemin vers l’avenir passe par un retour aux sources
  • la convivialité est un élément capital de la qualité de vie
  • la conscience de la complexité humaine conduit à la bienveillance
  •  la raison ouverte et la bienveillance aimante sont un cercle vertueux
  •  le pire n’est pas sûr, l’improbable et l’imprévisible restent toujours possibles !
  • pour bien vieillir, il faut garder en soi les curiosités de l’enfance, les aspirations de l’adolescence, les responsabilités de l’adulte, et dans le vieillissement essayer d’extraire l’expérience des âges précédents.

Muriel Rosset
Coach et formatrice

 

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